Revivez la fabuleuse aventure de l’aéropostale et de ses aviateurs Saint Exupéry, Mermoz, Guillaumet… et écoutez l’émission Objectif ciel de France Bleu Occitanie chaque dimanche à 9h..
Chaque dimanche à 9h écoutez la nouvelle émission Objectif ciel sur France Bleu Occitanie.
L’émission présentée par Franck Langlois et avec la complicité de Fabrice Cruz de L’Envol des Pionniers nous délivre les histoires et aventures des pionniers de l’Aéropostale.
Retrouvez ici chaque semaine les anecdotes, aventures ou histoires à peine croyables sur les aventuriers et écoutez ou réécoutez les podcasts de l’émission Objectif Ciel.

Revivez l’épopée des pionniers de l’Aéropostale. L’histoire de ces hommes et femmes passionnés pour qui rien n’était impossible Rendez-vous sur l’application Radio France pour découvrir tous les autres épisodes.
durée : 00:11:13 – Objectif Ciel – C’est en 2003 que sera identifié l’avion de l’auteur du Petit Prince

Antoine de Saint Exupéry raconté
Le dernier voyage de Saint-Exupéry
- Le dernier mystère de Saint-Exupéry
Dans le dernier livre publié de son vivant, “Le Petit Prince”, Saint-Exupéry imagine une fin mystérieuse pour son héros. Mordu par un serpent venimeux, le jeune garçon tombe doucement dans le sable du désert. Mais quand l’autre personnage du conte, l’aviateur, revient sur le lieu du drame, il n’y trouve plus rien : « Mais, je sais bien qu’il est revenu à sa planète, car, au lever du jour, je n’ai pas retrouvé son corps. » Le récit paraît à New York au printemps 1943, au moment où Saint-Exupéry gagne l’Afrique du Nord pour reprendre le combat. Ce sera son dernier combat, et, à l’image du « petit bonhomme », lui-même connaîtra une fin mystérieuse, jamais complètement élucidée. A l’été 1943, Saint-Exupéry rejoint une première fois le groupe de reconnaissance aérienne II/33, où continuent de servir ses anciens camarades de la campagne de 1940, sous commandement américain. Promu commandant, il s’entraîne pour voler sur un avion qu’il ne connaît pas, le Lockheed P-38 Lightning, ce qui constitue une épreuve physique pour son corps usé de quadragénaire. On dit qu’il est le plus vieux pilote des forces aériennes alliées, et d’ailleurs, à 43 ans, il a dépassé la limite d’âge pour ce type d’appareil ! Cela ne l’empêche pas de réussir une première mission au-dessus de la France. Mais lors de son second vol, il s’écrase à l’atterrissage après une fausse manœuvre…
Saint-Exupéry est écarté du personnel navigant par l’état-major américain, mais après quelques mois de disgrâce, il obtient de pouvoir voler à nouveau, au printemps 1944. Le voilà donc en Sardaigne, puis en Corse, point de départ de nouvelles missions d’observation sur une version encore plus rapide du P-38, qu’il décrit ainsi dans la “Lettre à un Américain”, rédigée en mai 1944 : « J’ai la joie de participer de nouveau à ces plongées de scaphandrier que sont les missions de haute altitude. On s’enfonce, dans les territoires interdits, habillé d’instruments barbares, environné d’un peuple de cadrans. On respire au-dessus de sa propre patrie un oxygène fabriqué aux États-Unis. L’air de New York dans le ciel de France, n’est-ce pas étonnant ? » Le 31 juillet 1944, à bord de ce « monstre léger », comme il dit, Saint-Exupéry s’élance de la base aérienne de Borgo à 8h35 du matin pour ce qui constitue sa 10ème mission de guerre. Ce sera malheureusement la dernière…
Saint-Exupéry et Mermoz : à la vie, à la mort
- Saint-Exupéry et Mermoz
« Si je cherche dans mes souvenirs ceux qui m’ont laissé un goût durable, si je fais le bilan des heures qui ont compté, à coup sûr je retrouve celles que nulle fortune ne m’eût procurées. On n’achète pas l’amitié d’un Mermoz, d’un compagnon que les épreuves vécues ensemble ont lié à nous pour toujours. » En quelques phrases, au début de “Terre des Hommes”, Saint-Exupéry témoigne ainsi de la relation qui l’unissait à Jean Mermoz. C’est dans le chapitre sur « les camarades », où il rend également un vibrant hommage à Henri Guillaumet. Saint-Exupéry et Mermoz, voilà encore une belle histoire de fraternité d’armes. Elle est peut-être moins viscérale que celle qui lie Saint-Exupéry et Guillaumet, mais Mermoz est sans conteste un des compagnons les plus chers de Saint-Exupéry, et il le restera jusqu’à sa disparition. Par-delà leurs différences, et même parfois leurs divergences, les deux hommes feront preuve l’un envers l’autre d’une fidélité à toute épreuve.
Saint-Ex et Mermoz, ce sont pour la postérité les deux figures les plus populaires de l’Aéropostale. L’un en est le poète rêveur et sensible qui relate les exploits homériques de ces chevaliers du XXe siècle. L’autre est ce héros céleste à la beauté légendaire, « l’archange » passionné qui avait « défriché les sables, la montagne, la nuit et la mer », comme s’en souvient Saint-Exupéry dans “Terre des Hommes”. Pourtant, d’après Joseph Kessel qui était très proche des deux aviateurs, l’un comme l’autre ne se voyaient que comme des éléments parmi d’autres de cette aventure collective, et ils étaient mal à l’aise avec leur mise en avant individuelle.
Les premières années aux lignes Latécoère puis à l’Aéropostale, ils n’étaient jamais affectés au même endroit. Mermoz intègre l’entreprise en 1924, et se voit assez vite confier des portions lointaines de la ligne. Quand Saint-Exupéry est embauché à Toulouse, fin 1926, Mermoz assure la liaison entre Casablanca et Dakar. Un an plus tard, quand Saint-Exupéry est nommé à Cap-Juby, Mermoz devient chef pilote en Argentine avec la mission d’explorer les lignes sud-américaines. Dans ces années, leurs chemins se croisent au hasard des escales, à Casablanca, à Port-Etienne, à Cap-Juby, et ils apprennent à se connaître avec les autres aviateurs dans ces soirées de relâche entre deux vols où se forge la fraternité des aviateurs…
Saint-Exupéry l'épicurien
- Saint-Exupéry, le bon vivant
Il y a une sorte de malentendu avec la personnalité de Saint-Exupéry. L’homme est volontiers dépeint comme tourmenté, ou au minimum complexe, et c’est vrai qu’on croit déceler dans de nombreuses photographies de l’écrivain une impression de mélancolie. Dans ses écrits, que ce soit son abondante correspondance ou ses œuvres, cette même impression de mélancolie, de tragique, à certains moments de noirceur, flotte de manière insistante. Et pourtant… Si au cours de sa courte vie Saint-Exupéry a connu à plusieurs reprises des moments difficiles où il balançait entre une inquiétude diffuse et une forme de désespoir, tous ceux qui l’ont côtoyé dressent de lui un portrait intime différent. Saint-Exupéry a constamment fait preuve de bonne humeur, d’une énergie vitale débordante et d’une joie de vivre quasi enfantine qui ont enchanté ses amis. J’ai parlé des photographies qui montrent son côté sombre, sur beaucoup d’autres se détachent au contraire son regard pétillant et son sourire malicieux. Pour le dire autrement, Saint-Ex aimait s’amuser et faire la fête, et il ne s’est pas privé de le faire !
Dans sa famille, avec son frère et ses trois sœurs, Antoine est déjà un peu le roi de la fête… à la manière des enfants bien sûr. Sa mère le surnomme d’ailleurs le Roi-Soleil ;il invente en permanence des jeux nouveaux auxquels tous se soumettent de bonne grâce. Elevé dans une atmosphère de liberté et de gaieté, il fait les quatre cents coups avec son frère François, au point que leur sœur les décrira plus tard, avec une grande tendresse, comme « insupportables » et « débordant de vivacité ». Cette joie de vivre un peu turbulente le suit lorsqu’il quitte le cocon familial. Pensionnaire en Suisse, à Fribourg, pendant la Première Guerre mondiale, puis à Paris, Saint-Exupéry ne s’implique pas outre mesure dans les études, mais il noue des amitiés solides avec une première bande de camarades. Il participe de bon cœur aux chahuts caractéristiques des années de lycée, n’hésitant pas à se jeter dans d’épiques batailles de bombes à eau et à semer le désordre dans les salles d’étude. Quelques années plus tard, appelé sous les drapeaux pour son service militaire, il raconte à sa mère : « J’ai de sympathiques camarades de chambrée. Grande bataille à coups de polochon et les coups de polochons, j’en donne plus que j’en reçois. »
Les escales françaises de Saint-Exupéry
- La France de Saint-Exupéry
Assez naturellement, l’image que l’on se fait de Saint-Exupéry est associée aux grands épisodes de sa vie de pilote et à son œuvre. A l’évocation de son nom, ce sont plutôt des paysages lointains qui viennent à l’esprit : on pense bien sûr à l’expérience du désert, qui a tellement marqué l’aviateur et qu’il a décrite magnifiquement dans “Terre Des Hommes” et dans le “Petit Prince“. Il y a aussi l’Amérique du Sud et l’Argentine, lieux de hauts faits de l’Aéropostale et d’épopées chevaleresques dans l’enfer de la Cordillère des Andes, auxquelles il rend hommage dans “Vol De Nuit“. Mais beaucoup plus près de nous, en France, Saint-Exupéry a eu une relation particulière avec quelques lieux, qui occupent une place tout aussi essentielle dans son imaginaire. On pense évidemment aux endroits qui ont bercé son enfance et sa jeunesse ; et parmi ceux-là, il en est un qui est tout à fait à part : le château de Saint-Maurice de Rémens, dans le Bugey à une cinquantaine de kilomètres de Lyon. Sans jamais vivre à demeure dans cette bâtisse un peu austère environnée d’un parc merveilleux qu’il voyait comme un « royaume sans limite », Saint-Exupéry y a connu avec ses frère et sœurs les expériences originelles qui le nourriront toute sa vie. Jusqu’à l’âge de 9 ans, il habite Lyon, avant que sa mère ne l’envoie au Mans pour suivre sa scolarité dans le giron de sa famille paternelle. Il passe là six années au collège jésuite Notre-Dame de Sainte-Croix. Mais dès que c’est possible, le temps des vacances d’été, la famille retrouve son paradis de Saint-Maurice. C’est là que Saint-Exupéry goûte pour la première fois aux frissons de l’aviation sur l’aérodrome voisin d’Ambérieu. La mère d’Antoine, Marie de Saint-Exupéry, hérite en 1920 du château, mais elle devra s’en séparer quelques années plus tard, faute de moyens pour le garder.
Un autre château a marqué l’enfance de Saint-Exupéry : il s’agit de La Môle, en Provence, non loin de Saint-Tropez, où la famille fait de nombreux séjours auprès des grands-parents maternels d’Antoine. C’est là que sa mère a grandi, et où elle a trouvé refuge après la mort subite de Jean, le père d’Antoine, en 1904. Dans sa correspondance, l’écrivain évoque les fêtes de Noël dans cette ancienne forteresse médiévale : « Il y avait à La Môle une bergerie extraordinaire, une crèche avec des moutons et des chevaux et un bœuf et des bergers et un âne et trois rois mages dix fois plus grands que les chevaux, et surtout une odeur de cire qui est pour moi l’essence de toute fête… j’avais cinq ans… ». A l’âge adulte, l’écrivain gardera des liens intimes avec ce coin de Provence et la Côte d’Azur : non loin de là se trouve le château d’Agay, où sa sœur Gabrielle et son beau-frère Pierre d’Agay l’accueilleront souvent. Il s’y marie avec Consuelo en 1932 avant de s’installer quelque temps à Nice…
Les femmes autour de Saint-Exupéry
- Le monde féminin de Saint-Exupéry
Quand on pense aux relations de Saint-Exupéry avec les femmes, une figure s’impose d’emblée, comme une évidence. Consuelo bien sûr, avec qui il a formé un couple tour à tour passionné, volcanique, et surtout chaotique pendant presque 15 ans. Saint-Exupéry et Consuelo se rencontrent en 1930 en Argentine, c’est un coup de foudre quasi immédiat qui les amène au mariage quelques mois plus tard.
Mais l’ours et l’oiseau des îles, comme ils se surnomment, ont des tempéraments difficilement compatibles qui rendront leur vie commune impossible. Passés la lune de miel et l’enthousiasme des commencements, leur ménage tumultueux qui s’aime profondément sans parvenir à se supporter, vit au rythme des séparations et des réconciliations, des incartades et des jalousies. Alors, ils ne manquent pas d’imagination pour se ménager si on peut dire, et aménager leur vie un peu bohème : c’est comme cela qu’ils finissent par s’installer dans un duplex aux Invalides, où chacun peut mener sa vie indépendamment de l’autre tout en restant sous le même toit.
A certains moments, le couple semble au bord de la rupture définitive, et c’est seul que Saint-Exupéry part s’exiler à New York en 1940. Mais Consuelo finit par le rejoindre en 1942 pour une dernière cohabitation orageuse. Dans cet amour compliqué, tout se passe comme si Saint-Exupéry éprouvait la nécessité de protéger Consuelo envers et contre tout, et elle d’accourir auprès de lui quand il en a besoin.
Consuelo a aussi été une muse, qui a joué un rôle essentiel dans l’éclosion de certaines œuvres de l’écrivain. On pense en particulier à “Vol De Nuit”, publié au tout début de leur mariage, et au “Petit Prince”, composé aux Etats-Unis. A l’automne 1943, alors qu’il est revenu en Afrique du Nord pour reprendre le combat, Saint-Exupéry écrit à Consuelo : « Vous avez été patiente et sans doute par votre patience vous m’avez sauvé. Le Petit Prince est né de votre grand feu de Bevin House, ma certitude présente est née de vos tendres efforts. Consuelo chérie chérie, tout de vous, je vous le jure sur mon honneur, sera toujours récompensé ». Consuelo a affirmé qu’elle était la rose du “Petit Prince”. C’est sans doute vrai, en tout cas on ne peut s’empêcher de penser à Antoine et Consuelo quand le Petit Prince raconte à l’aviateur naufragé les hauts et les bas de sa relation piquante avec cette fleur charmante et irritante…
Le Petit Prince : les origines
- Le Petit Prince
“Le Petit Prince” : il suffit de prononcer ces trois petits mots pour voir surgir l’image d’un enfant blond un peu ébouriffé avec son écharpe au vent. Le dernier livre publié du vivant de Saint-Exupéry est sans doute celui qui aujourd’hui contribue le plus à la postérité de l’écrivain. On a tout écrit sur cette fable qui derrière une apparente simplicité enfantine délivre des messages universels.
Ce qui est sûr, c’est qu’il recèle pas mal de mystères, et d’abord sur ses origines. Saint-Exupéry a écrit le livre pendant son exil new-yorkais, dans la deuxième partie de l’année 1942. A cette époque, l’écrivain séjourne en effet aux Etats-Unis. Il a quitté la France occupée un an plus tôt, avec l’espoir un peu vague de convaincre les Américains de s’engager dans la guerre, en tirant parti de sa notoriété grandissante. Dans cette période féconde sur le plan littéraire, il a connu quelques mois auparavant, pendant l’hiver 1942, un joli succès avec son témoignage de la campagne de France, “Pilote de Guerre”.
“Le Petit Prince” a certainement plusieurs origines, un peu comme une rivière qui est alimentée par une multitude de petits ruisseaux. Saint-Exupéry porte en lui des morceaux de Petit Prince depuis l’enfance et les vacances heureuses dans le château familial de Saint-Maurice de Rémens. A plusieurs reprises dans les années 30, il a évoqué l’idée d’écrire un conte, bien avant de se mettre à l’ouvrage. Et puis il y a ce petit personnage dont les traits évoquent déjà le Petit Prince, qu’il dessine partout, tout le temps, sur ses poèmes d’adolescent, sur les lettres qu’il envoie à ses amis et à sa famille, sur ses dédicaces.
Cap Juby : une révélation pour Saint-Exupéry
- Cap Juby, terre d’inspiration
« C’est de Cap Juby qu’est sorti Antoine de Saint-Exupéry. Et force est de constater que cette escale prolongée est un tournant dans l’expérience de l’homme et la formation de l’écrivain. » C’est Didier Daurat qui s’exprime ainsi, soulignant à quel point l’expérience de Cap Juby, (aujourd’hui Tarfaya au Maroc), entre 1927 et 1928 avait été fondatrice pour le jeune Saint-Exupéry. Et on peut faire confiance à Daurat qui connaît bien son sujet : directeur d’exploitation des lignes Latécoère puis de la Compagnie Générale Aéropostale, c’est lui qui a recruté Saint-Exupéry en 1926, lui encore qui lui a confié ses premières missions comme pilote pour acheminer le courrier entre Toulouse et Casablanca, puis jusqu’à Dakar. Et c’est lui enfin qui, en octobre 1927, décide de le nommer chef d’aéroplace à Cap Juby, un an à peine après son embauche.
Pour comprendre la singularité de cette expérience, il faut situer un peu plus précisément Cap Juby : c’est un point perdu et isolé de tout, coincé entre l’océan Atlantique et l’immensité désertique du Sahara. La Compagnie y a installé une escale vitale sur le tronçon de ligne entre Casablanca et Dakar, et stratégique dans la perspective de l’extension des services de courrier vers l’Amérique du Sud. Le problème est que l’installation est située dans la colonie espagnole du Rio de Oro (actuellement le Sahara-Occidental). La petite équipe qui y vit et y travaille est composée du chef d’aéroplace et de quelques mécaniciens. Ils doivent s’accommoder d’un voisinage compliqué avec d’un côté les Espagnols qui tolèrent tout juste leur présence, et de l’autre des tribus nomades qui profitent des pannes des avions, fréquentes dans le désert, pour capturer les équipages en perdition et les échanger contre de fortes rançons…
La Compagnie a besoin à ce poste d’un vrai diplomate capable d’entretenir de bonnes relations avec les uns et les autres, et lorsque c’est nécessaire, d’agir et de négocier pour obtenir leur libération. Ce sont exactement les qualités que Didier Daurat a décelées chez Saint-Exupéry. Il le nomme à Cap Juby en lui confiant la « mission impossible », dit-il, de sauver cette escale du bout du monde, dans un contexte où sa situation s’est peu à peu dégradée. Lors du dernier entretien avant son départ, Daurat sent Saint-Exupéry transfiguré par la responsabilité qui lui incombe désormais de veiller sur ses camarades et d’assurer l’avenir de l’Aéropostale. Le nouveau chef d’aéroplace prend ses fonctions le 19 octobre 1927…
La disparition de Saint-Exupéry
- La fin de Saint-Exupéry – Extrait
Nous sommes au début de l’année 1943, la Seconde Guerre mondiale fait rage, et depuis quelques mois, le vent a commencé à tourner en faveur des Alliés. De New York où il est exilé depuis deux ans, Saint-Exupéry trépigne. Il voudrait revenir en Europe et prendre sa part dans la lutte contre le nazisme. Il a beau voler de succès en succès sur le plan littéraire – “Pilote de Guerre” est un best-seller américain, et il est en train de mettre la dernière main au “Petit Prince” – il aspire à autre chose. Saint-Exupéry a une conception exigeante du devoir, qui lui commande de s’engager physiquement, et pas seulement de se payer de mots. D’ailleurs il a de plus en plus de mal à supporter ce qu’il appelle le « panier de crabes » de New York, où les Français se déchirent sans fin entre camps irréconciliables.
Il se trouve que depuis le mois de novembre 1942, les Américains ont pris pied en Afrique du Nord : pour Saint-Exupéry, il n’y a plus qu’un choix possible, rejoindre les armées françaises combattantes…
Saint-Exupéry essaie de faire jouer des appuis, notamment du côté du commandement américain. Et c’est finalement un envoyé du général Giraud, à ce moment-là le grand rival de De Gaulle soutenu par les Etats-Unis, qui va lui entrouvrir la porte de l’armée d’Afrique. Sans attendre que les discussions avec le général Béthouard – c’est le nom de l’émissaire – aboutissent, Saint-Exupéry se met en quête d’un uniforme de l’armée de l’air et de toutes les fournitures dont il aura besoin. Son ordre de mobilisation finit par arriver début avril, et il embarque quelques jours plus tard dans un convoi américain avec quelques épreuves toutes fraîches du “Petit Prince”, direction l’Algérie.
Comme en 1940, il obtenu de haute lutte le droit de participer à la guerre. Enfin c’est ce qu’il croit, parce que ses protecteurs ont d’autres projets pour lui. Lui rêve d’être affecté dans l’unité dans laquelle il a combattu pendant la campagne de 1940, le groupe de reconnaissance aérienne II/33 où servent encore quelques-uns de ses camarades de l’époque. D’ailleurs quelques jours après son arrivée, il file les rejoindre dans le Sud de l’Algérie, où ils sont basés, pour une soirée de retrouvailles. Mais le général Giraud, qui est le commandant civil et militaire en Afrique du Nord, lui propose d’entrer dans son cabinet à Alger. Inutile de préciser que Saint-Exupéry refuse et que l’entretien se passe… disons pas très bien…
Vol de Nuit, les origines
- Vol de Nuit – Extrait
En octobre 1929, alors que monde connaît une tempête économique sans précédent, Antoine de Saint-Exupéry ne connaît pas la crise. Fraîchement arrivé à Buenos Aires, il prend les commandes d’Aeroposta Argentina, la filiale argentine de l’Aéropostale. A 29 ans, le voilà promu chef d’exploitation d’un réseau de 15 aérodromes en Amérique du Sud couvrant 3800 km de part et d’autre des Andes, entre le Paraguay, le Brésil, l’Argentine et le Chili. C’est un beau poste, très prestigieux. Son travail consiste à organiser, inspecter, on ne dit pas encore manager, veiller sur les pilotes et le matériel…
Et il écrit. Beaucoup, dès que ses multiples activités lui en laissent le temps. Il s’est attelé à la rédaction d’un nouveau roman. C’est une promesse qu’il a faite à Gaston Gallimard après le succès de son premier livre, Courrier Sud, qui l’a fait connaître comme écrivain en 1929. Cette période argentine est celle de la genèse d’un livre qui marquera son époque : Vol de Nuit…
Saint-Exupéry à tire-d'aile autour du monde
- Le raid Paris – Saïgon – Extrait
En 1935, Antoine de Saint-Exupéry traverse une période compliquée. A 35 ans, il ne fait plus partie du gratin des pilotes, en tout cas sa carrière d’aviateur semble à l’arrêt. Ça ne va pas fort non plus du côté de la littérature où après des débuts prometteurs – il a reçu le Prix Femina en 1931 pour “Vol de Nuit” – il est un peu en panne d’inspiration… Heureusement pour ses finances, il a décroché un poste à la propagande, c’est comme ça qu’on appelait le service de presse, de la jeune compagnie Air France, pour qui il fait des conférences, articles et films promotionnels. Au printemps 1935, il a aussi rapporté d’URSS une série de reportages publiés dans Paris-Soir, le grand quotidien populaire de l’époque… - Le raid New-York – Punta Arenas – Extrait
Remis de ses émotions, Saint-Ex n’en a pas fini avec les raids. Deux ans après l’échec de Paris – Saïgon, il se lance dans une nouvelle équipée avec André Prévot. Cette fois, ce sera la traversée du continent américain du nord au sud, de New-York à Punta Arenas, à l’extrême pointe du Chili. Pourquoi ce raid ? Il faut surtout y voir un défi personnel, une manière renouer avec la légende, d’échapper aussi à ses soucis domestiques…
Guillaumet, plus qu'un ami : un frère pour Saint-Exupéry
- L’ami Guillaumet – Extrait
« Pour mon frère adoptif et pour sa femme en souvenir d’un vieil ami qui a toujours un peu considéré leur maison comme la sienne. » En 1931, c’est avec ces mots pleins d’affection que Saint-Exupéry dédicace son roman “Vol de Nuit” à ses amis les plus chers, Henri et Noëlle Guillaumet. Et il ajoute : « En attendant le livre prochain qui s’appellera Guillaumet, ce petit livre. » On peut difficilement faire une déclaration d’amitié plus forte. Plus qu’avec tous les autres pilotes de l’Aéropostale, Saint-Exupéry a entretenu avec Guillaumet une relation fraternelle, intense, qui ne s’est jamais démentie.
Il faut dire qu’ils en ont vécu des choses ensemble ! Ils se sont rencontrés cinq ans plus tôt, fin 1926, quand Saint-Exupéry a été recruté par les Lignes Latécoère. En arrivant à Toulouse, Saint-Exupéry a rencontré son destin, entre l’aérodrome de Montaudran et l’Hôtel du Grand Balcon où logeaient les pilotes. Il a surtout rencontré des hommes auxquels il ne cessera de rendre hommage dans ses écrits. Parmi eux, Guillaumet, plus jeune que lui de 2 ans, mais qui fait déjà figure de vétéran. A cette époque des pionniers, quelques mois d’ancienneté suffisent à vous poser un homme !
Saint-Ex et Guillaumet sont issus de mondes aux antipodes, grande famille aristocratique pour l’un, famille de paysans de Champagne pour l’autre. Ils ont en commun une attirance précoce pour l’avion qui les a amenés à faire leur baptême de l’air à 12 et 14 ans, ce qui au tout début du XXe siècle n’est quand même pas courant. Ils sympathisent très vite, et parviennent à se comprendre sans même avoir à se parler.
Guillaumet, c’est le calme, la confiance et l’humilité. D’emblée, Saint-Exupéry lui voue une réelle admiration. C’est aussi le mentor, qui lui transmet sa science de la Ligne. Saint-Exupéry le raconte dans les premières pages de “Terre des Hommes” : la veille de son premier vol en tant que pilote, à l’Hôtel du Grand Balcon, il revoit une dernière fois avec son nouvel ami l’itinéraire vers Alicante. Un verre de porto à la main, les cartes déployées sur la table, Guillaumet lui enseigne les subtilités du vol au-dessus de l’Espagne. En fait de géographie, il lui apprend à se méfier de dangers invisibles comme ces trois orangers ou ce mince ruisseau qui l’empêcheraient de se poser. Au contraire, il lui fait porter sur la carte l’emplacement d’une ferme où il pourrait trouver du secours, et ajoute : « Celui qui ne connaît pas la ligne, caillou par caillou, s’il rencontre une tempête de neige, je le plains… Ah ! oui ! je le plains… ». Le lendemain, c’est accompagné par Guillaumet que Saint-Exupéry fait son premier voyage pour la Ligne…
Du Petit Prince au CNRS
- Saint-Exupéry l’inventeur – Extrait
Quel est le rapport entre l’astéroïde B612, sur lequel un petit garçon blond fait la chasse aux baobabs, et le brevet d’invention n° 850093 décrivant un « système de sustentation et de propulsion notamment pour avions » ? L’un est totalement fantaisiste, l’autre tout ce qu’il y a de plus sérieux, et tous deux sont nés de l’imagination plus que fertile d’Antoine de Saint-Exupéry. Le premier est bien connu, vous avez à coup sûr reconnu Le Petit Prince sur sa planète. Le second l’est beaucoup moins, et d’autant moins que cette authentique invention validée en 1939 par le ministère de la Production Industrielle et du Travail n’a jamais connu d’application.
Voilà bien une facette essentielle de la personnalité de Saint-Exupéry, totalement masquée par ses succès d’écrivain et par le souvenir de ses aventures aériennes. Il a été un inventeur prolifique, qui a sans cesse cherché des solutions à des problèmes concrets, principalement dans le domaine de l’aviation. C’est que derrière le poète un peu rêveur ou l’humaniste universel se cachait un amoureux des sciences et des techniques épris de modernité. Et, ce qui fait l’originalité, et peut-être le génie, de Saint-Exupéry inventeur, est cette capacité à faire cohabiter ces mondes apparemment aux antipodes dans une seule et même intelligence…
Enfant, Saint-Exupéry se passionne pour les avancées techniques et tout ce qui touche aux transports modernes : automobile, locomotives à vapeur et bien sûr avions. Pendant les vacances au château familial de Saint-Maurice de Rémens, il file dès qu’il le peut à l’aérodrome voisin d’Ambérieu pour observer ce qui se trafique dans les hangars. Il peut passer des heures à discuter de ces sujets avec son jeune frère François.
D’ailleurs, ils font plus que discuter, et n’hésitent pas à passer aux travaux pratiques. Les deux frères se lancent dans toutes sortes de bricolages et d’expériences qui, il faut le reconnaître, ne finissent pas toujours très bien. Par exemple le jour où Saint-Exupéry se met en tête de faire décoller son vélo. Il fabrique un harnachement avec un manche à balai et un vieux drap, ajoute un moteur à explosion… et la bicyclette ne décolle pas. Mais l’explosion du moteur recyclé en système d’irrigation blesse son frère à la tête. Il en résulte une belle frayeur et une grosse déception, mais vous l’imaginez, Saint-Exupéry ne s’arrêtera pas à cet échec…
Les jeunes années de Saint-Exupéry
- L’enfance de Saint-Exupéry – Extrait
Dans “Pilote de Guerre”, son livre de témoignage sur son expérience du conflit de 1940, Saint-Exupéry se demande : « D’où suis-je ? » Et naturellement il apporte cette réponse : « Je suis de mon enfance. Je suis de mon enfance comme d’un pays. » A la lecture de cette phrase, on comprend qu’il n’est pas inutile d’aller explorer ce pays, de revenir aux origines, pour comprendre ce personnage complexe et attachant devenu un aventurier de première classe et l’un des écrivains français les plus lus au monde.
Les origines, c’est d’abord la famille Saint-Exupéry, l’une des plus anciennes de France, que certains font remonter au XIIIe siècle. Le futur comte de Saint-Exupéry a le sang bleu comme on dit, par son père, par sa mère née Marie de Fonscolombe, par ses grands-parents et par presque tous ses ancêtres. On a beau être en République lorsqu’il voit le jour, en 1900, son monde est celui de la haute société provinciale, très catholique et encore fidèle à la monarchie… au point que son grand-père Fernand quittera un emploi dans l’administration dans les années 1870 pour ne pas servir la IIIe République naissante.
Saint-Exupéry est donc un fils de bonne famille, mais de famille désargentée. Cela ne l’empêchera pas d’avoir un train de vie plus que confortable entre châteaux et belles demeures, mais dès la génération de ses parents, les Saint-Exupéry courent un peu après l’argent. Cela poursuivra d’ailleurs Antoine toute sa vie d’adulte, et il n’aura de cesse de trouver de nouvelles sources de revenus, notamment auprès des éditeurs de journaux et des producteurs de cinéma…
Antoine est le troisième enfant et le premier garçon de Jean et Marie de Saint-Exupéry. Il a deux sœurs aînées, Marie-Madeleine et Simone. Après lui viendront encore son frère adoré François, qui a 2 ans de moins que lui, et la petite Gabrielle. Ses parents se sont mariés en 1896. Son père, après un début de carrière militaire, s’est reconverti dans les assurances et s’est retrouvé à Lyon au hasard des mutations. C’est là qu’il a rencontré Marie Boyer de Fonscolombe, de 12 ans plus jeune que lui. Mais cette union heureuse ne durera pas longtemps : en 1904, alors qu’Antoine n’a que 4 ans, Jean de Saint-Exupéry s’écroule sur un quai de gare, terrassé par une congestion cérébrale. Après 8 ans de mariage, voilà Marie de Saint-Exupéry veuve et relativement démunie, responsable de cinq enfants en bas âge…
Saint-Exupéry, grand témoin de son époque
Saint-Exupéry a souvent exercé ses talents littéraires dans les journaux. Confronté aux drames du siècle, il a porté sur les événements un regard pas toujours clairvoyant mais toujours profondément humaniste.
- Saint-Exupéry reporter – Extrait
Après la période intense de l’Aéropostale qui l’a amené d’aventure en aventure en Afrique et en Amérique du Sud, Antoine de Saint-Exupéry aborde la trentaine dans une position pour le moins délicate. Entre 1931 et 1933, en effet, la compagnie est mise en liquidation, victime de la crise et de scandales politico-financiers, pour être finalement rachetée et intégrée à la nouvelle compagnie Air France.
Saint-Exupéry, qui a traversé tant de déserts aux commandes de ses avions, expérimente cette fois la traversée du désert au sens professionnel du terme. Il devient pendant quelques mois pilote d’essai pour Latécoère mais cette expérience tourne court après l’amerrissage raté d’un prototype dans la baie de Saint-Raphaël fin 1933. Désormais, sa vie d’aviateur s’écrira en pointillé, il gagnera sa vie en œuvrant pour la communication d’Air France.
Après l’obtention du prix Femina pour Vol de Nuit, en 1931, Saint-Exupéry fait désormais partie du milieu parisien des lettres. Pourtant, sa carrière de romancier tourne elle aussi au ralenti et il ne publiera pas de nouveau livre avant 1939. Cela ne l’empêche pas d’écrire, et même d’écrire beaucoup : pour le cinéma, et surtout pour la presse. A cette époque, les grands journaux s’arrachent les signatures prestigieuses… et aventureuses qui font rêver leurs lecteurs, à l’image d’un Malraux ou d’un Kessel. Saint-Exupéry a l’avantage d’être à la fois un écrivain célèbre et un pilote populaire. Cela fait de lui une plume recherchée. D’autant plus recherchée que le public se passionne pour les histoires d’aviation et pour les exploits des pilotes qui rivalisent de courage pour battre des records et franchir de nouvelles limites. C’est comme ça qu’à partir de 1932, il multiplie les collaborations journalistiques. Saint-Exupéry trouvera avec ces piges un bon moyen de compléter ses revenus.
Le premier journal qui fait appel à lui est la revue littéraire Marianne, fondée par Gaston Gallimard. Dès le premier numéro, en octobre 1932, Saint-Exupéry collabore au titre dont il restera un contributeur occasionnel jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Ses articles parlent principalement d’aviation et sont pour lui l’occasion de faire revivre sur le papier les années épiques de l’Aéropostale. Il en consacre plusieurs aussi à son ami Mermoz, à l’occasion de ses exploits et après la disparition tragique du pilote en 1936. A côté de cet exercice de chroniqueur, d’autres journaux vont bientôt lui demander d’aller sur le terrain pour faire des reportages.
Le Laté 521 : un géant des airs... et des eaux
Qui a dit que le temps des exploits de jeunesse était révolu ? En 1939, embarqué par son compagnon Guillaumet, Saint-Exupéry retrouve le goût des aventures aériennes.
- Le vol du « Lieutenant de vaisseau Paris » – Extrait
Nous sommes au printemps 1939, le moins que l’on puisse dire est que l’atmosphère est lourde de menaces en Europe. Antoine de Saint-Exupéry est en voyage à Berlin avec quelques écrivains lorsque Hitler déclenche l’invasion de la Tchécoslovaquie. A l’annonce de cette nouvelle, il quitte précipitamment l’Allemagne, convaincu qu’on ne pourra plus éviter la grande confrontation avec le nazisme. Et en effet, le compte à rebours est lancé, mais les quelques semaines qui restent avant la déclaration de guerre vont être d’un tout autre ordre pour Saint-Exupéry. On ne parlera pas de parenthèse enchantée, Saint-Exupéry a une personnalité bien trop complexe et tourmentée pour cela. Mais il va vivre des moments intenses comme écrivain, avec le succès phénoménal de Terre des hommes en France et aux Etats-Unis, et surtout comme aviateur dans ce qui sera sa dernière grande aventure aérienne avec Guillaumet.
Tout le monde pense alors que Saint-Exupéry a définitivement raccroché ses lunettes d’aviateur. Déjà, à l’approche de la quarantaine, on peut dire qu’il a dépassé l’âge requis pour les exploits aériens – il faut se rendre compte que les coucous de cette époque demandent beaucoup plus d’efforts physiques que nos avions d’aujourd’hui : ils sont inconfortables, vibrent dans tous les sens… Mais surtout, Saint-Exupéry est un homme usé. Il est sorti en miettes d’un crash au Guatemala l’année précédente dont il conserve de graves séquelles. Et il a promis à sa femme, Consuelo, qu’il ne piloterait plus.
Henri Guillaumet, son ami le plus proche, un frère depuis les temps héroïques de l’Aéropostale. C’est lui qui a instruit Saint Exupéry lorsqu’il a commencé à piloter sur les lignes Latécoère en 1926. C’est lui que Saint-Exupéry est allé récupérer au pied de la cordillère des Andes après un sauvetage désespéré en 1930. C’est encore lui qui n’a pas lâché l’écrivain lorsque les anciens de l’Aéropostale lui reprochaient d’avoir écrit Vol de nuit. C’est à lui, aussi, qu’il a dédié Terre des hommes. Bref Guillaumet, c’est le proche parmi les proches, et surtout un des derniers pionniers après la mort de Mermoz et de tant d’autres.
Il se trouve qu’au mois de mai 1939, il fête ses 37 ans. Et qu’il invite Saint-Exupéry à célébrer l’événement à la base d’hydravions de Biscarosse, dans les Landes, où il prépare un nouvel exploit aérien pour la compagnie Air France Transatlantique.
- Le Laté 521 un géant des airs – Extrait
La base de Biscarosse a été aménagée par Pierre-Georges Latécoère au début des années 30 au bord de l’étang du même nom, dans les Landes, pour construire et essayer ses hydravions géants. C’est l’époque où il semble plus simple et plus sûr de décoller et d’atterrir sur l’eau. C’est aussi beaucoup moins cher que de construire des pistes en dur. Les hydravions connaissent alors un âge d’or pour le transport de passagers et les jeunes compagnies aériennes veulent marquer les esprits par des vols spectaculaires. C’est la raison pour laquelle Guillaumet est dans les Landes en mai 1939. En prévision de l’ouverture d’une nouvelle ligne d’Air France Transatlantique, il doit rallier New York depuis Biscarosse, et surtout, c’est là qu’est l’exploit, revenir sans escale, ce qui n’a jamais été fait jusqu’à présent sur ce type d’avion.
Pour cela, il va prendre les commandes du Laté 521, baptisé « Lieutenant de vaisseau Paris » en l’honneur d’un pilote de l’aéronavale auteur de multiples records aériens, disparu prématurément en 1934. Le Laté 521 appartient à la catégorie des hydravions géants de l’époque. Il faut imaginer la bête : 50 m d’envergure, 31 m de long, quasiment 10 m de haut, il est propulsé par 6 moteurs. A l’origine, cet appareil impressionnant a été construit pour faire voyager 72 passagers.
En réalité, depuis son lancement en 1935, le « Lieutenant de vaisseau Paris » n’a transporté que des équipages d’essai pour des vols de démonstrations et des tentatives de records. Mais il a déjà une histoire riche, qui a pourtant mal commencé, par un naufrage en Floride en en 1936 lors d’un ouragan. C’est avec lui que Guillaumet a battu un record de distance en 1937 en traversant l’Atlantique Sud d’une traite entre Port-Lyautey, au Maroc, et Natal, au Brésil.
Cette fois, c’est d’Atlantique Nord qu’il s’agit : Biscarosse-New York-Biscarosse. La date de retour a été choisie par Air France et le ministère de l’Air pour marquer les esprits et la concurrence : ce sera le 14 juillet. Quand Saint-Exupéry arrive à Biscarosse pour l’anniversaire de Guillaumet et qu’il apprend ça, il n’a plus qu’une idée en tête : il fera partie du voyage.
Saint-Exupéry, l'américain
Saint-Exupéry a toujours entretenu une relation particulière avec New York. Pendant la guerre, entre vie nocturne et chausse-trapes politiques, l’écrivain profite de son exil américain pour livrer à la postérité deux derniers chefs-d’œuvre.
- Saint-Exupéry à Manhattan – Extrait
Curieux paradoxe : Saint Ex a mis un point d’honneur à ne jamais parler un mot d’anglais – il disait qu’il avait déjà suffisamment de mal à écrire en français. Saint Ex n’avait pas non plus une haute estime de la civilisation américaine. En bon aristocrate de la vieille Europe, il voyait les Américains comme des gens vulgaires et matérialistes, pas assez portés à son goût sur les choses de l’esprit. Et pourtant, Saint-Ex a vécu une histoire forte et intime avec les Etats-Unis, en particulier avec la ville de New York. C’est là qu’il a été reconnu de son vivant comme un écrivain majeur. C’est là que ses livres sont devenus des best-sellers couverts de distinctions prestigieuses.
Oui, la première fois en 1938, comme un pionnier de l’aviation. Avant de décoller de l’aéroport de Newark pour tenter son grand raid vers la Terre de Feu, il passe un mois à New York avec le mécanicien André Prévot. Cette première visite est surtout consacrée aux préparatifs du raid, mais Saint-Exupéry découvre la ville depuis son luxueux hôtel proche de Central Park.
Saint-Exupéry : son grand amour
Comment Saint-Exupéry a rencontré sa rose. Saint-Exupéry et Consuelo, l’amour de toute une vie, pour le meilleur et pour le pire.
- Saint-Exupéry et Consuelo – Extrait
Nous sommes à l’été 1930. Cela fait presque un an qu’Antoine de Saint-Exupéry a débarqué à Buenos Aires, la capitale argentine. A 30 ans, il a déjà derrière lui un bout de carrière aux Lignes Latécoère qui sont devenues entre-temps l’Aéropostale : depuis 4 ans il a été successivement mécanicien, pilote et chef d’escale à Port Juby, en Afrique. Désormais, il dirige l’exploitation d’Aeroposta Argentina, la filiale sud-américaine de la compagnie. Bon, le poste est prestigieux, mais on ne peut pas dire qu’il apprécie la vie dans la capitale argentine, qu’il trouve ennuyeuse et sans charme.
Il y trouve bien sûr de bons côtés : ses copains pilotes sont là, les Guillaumet, les Mermoz, et puis il vole, énormément. Il avale des milliers de kilomètres pour reconnaître de nouveaux itinéraires, de nouvelles escales et développer le réseau de la compagnie sur le continent. Mais cela ne le satisfait pas complètement, si on en croit le mot qu’il écrit à sa cousine Yvonne de Lestrange, où il se dit « extrêmement malheureux ». Et pourtant, les distractions ne manquent pas, il sort, fréquente les bars et les restaurants à la mode. Mais il faut se rendre à l’évidence : pour le dire un peu crûment, à son âge, il aimerait bien se caser.
Cette rencontre se produit en septembre 1930. Consuelo Suncin de Sandoval débarque dans la vie de l’écrivain aviateur de manière romanesque. Elle n’en sortira plus, pour le meilleur et pour le pire. Consuelo est une belle jeune femme, fantasque à souhait, originaire du Salvador, en Amérique centrale. Artiste elle-même, elle a une propension à enjoliver sa propre histoire qui ajoute à son charme mais qui n’aide pas à savoir qui elle est vraiment.
Où Saint-Exupéry se fait touriste et... philosophe.
- Tourisme à Valencia
Un jour de l’été 1927, en pleine canicule, le pilote Henri Delaunay effectue un dépannage sur la plage de Valencia avec Antoine de Saint-Exupéry. Ils sont partis d’Alicante en voiture la veille et quoique ayant roulé toute la nuit pour atteindre le lieu du dépannage, les deux mécaniciens qui les accompagnent se mettent au travail dès leur arrivée. Delaunay préférerait dormir sous le plan de l’avion, bercé par le bruit de ressac, mais St-Ex veut absolument visiter la ville… - Les petits papiers dans le désert
En octobre 1927, Jean-René Lefebvre est mécanicien à Cap Juby quand il voit arriver le nouveau chef d’escale : Antoine de Saint-Exupéry, dégingandé, le blouson de cuir enfilé un peu n’importe comment. Un personnage qui, au lieu d’aller dormir ou de jouer aux cartes pendant que les mécanos travaillent sur les avions, reste là et les mitraille de questions sur la vie dans le désert. Il a toujours dans sa poche un petit carnet sur lequel il griffonne des dessins ou écrit des bribes de phrases. Il n’est pas snob, il parle le langage de tout le monde mais avec un petit raffinement imperceptible en plus. Il donne l’impression d’un grand rêveur, égaré dans l’aviation, et en même temps il fait preuve d’une témérité assez folle…
Saint-Ex à moto, et son amitié avec Bernard Lamotte
- Les bouchées double à Villacoublay
Pour le service militaire, après Avord, Antoine de Saint-Exupéry et son ami Jean Escot sont dirigés vers Versailles pour suivre un cours d’application. Mais, le même problème qu’à Avord se pose : Comment voler ? Le stage se déroule d’août à septembre et il n’est pas question de rester deux mois sans voler. Officiellement, rien n’est prévu pour les quelques EOR (Elèves Officiers de Réserves) pilotes. On les autorise néanmoins à piloter, mais il n’y a pas de terrain à Versailles, ils doivent se débrouiller avec Villacoublay. Ente Versailles et Villacoublay, il y a tout de même quelques 6 km. Et si les deux pilotes ont l’autorisation de voler, c’est à condition d’être présents à la première conférence de 9h du matin, et il ne faut pas compter sur un moyen de transport quelconque fourni par le commandant. Comment faire ? Par autobus ? Impraticable, il n’y a pas de ligne. En stop ? Ils n’y pensent pas, comment être à l’heure pour le premier cours ? Ils sont près du désespoir quand Jean Escot a une idée : la moto…
- Les Beaux-Arts
Bernard Lamotte et Antoine de Saint-Exupéry sont tous les deux élèves aux Beaux-Arts au début des années 1920. St-Ex commence à peine les cours d’architecture. Bernard Lamotte fait alors partie d’une bande de joyeux camarades peintres qui passent leur temps à jouer les espiègles. Dans ce groupe, Bernard Lamotte est celui qui doit s’occuper des « nouveaux », comme Antoine de Saint-Exupéry. Et les deux jeunes hommes se lient d’amitié à l’heure de boire le cassis vin blanc chez Jarras. Et il faut bien le dire, Antoine n’est pas plus architecte que Bernard est dentiste ! Il doit se demander lui-même quelques fois ce qu’il fait aux Beaux-Arts. Quand, vers midi, toute cette bande traverse la rue pour entrer chez Jarras, Saint-Exupéry est là, assis à une table à noircir du papier… ce qui donne lieu à toutes sortes de plaisanteries et de moqueries sur son attitude…
Un équipage a disparu
- Le sauvetage de Marcel Reine et Edouard Serre
Nous sommes en 1927, l’année où Charles Lindbergh entre dans la légende de l’aviation pour sa traversée de l’Atlantique nord à bord du Spirit of Saint Louis. Antoine de Saint-Exupéry, lui, n’est pas encore une légende, mais cela ne va pas tarder. Pour l’heure, c’est un pilote qui a déjà fait ses premières armes sur la ligne de l’Aéropostale, transportant le courrier entre Toulouse et Casablanca, puis entre Casablanca et Dakar. Et il faut croire que son chef, Didier Daurat, a décelé dans le jeune aviateur quelques qualités puisque moins d’un an après son embauche, en octobre 1927, il obtient sa première promotion. A 27 ans, le voilà nommé chef d’aéroplace, à Cap Juby.
En fait de promotion, il ne va pas mener la grande vie ! Cap Juby est une modeste escale sur le tronçon africain de l’Aéropostale. Une escale, et rien de plus… C’est un peu le bout du monde, dans la colonie espagnole du Rio de Oro, dans ce qui est aujourd’hui le Sahara Occidental. Saint-Exupéry règne sur quelques baraques posées dans le sable du désert, au bord de l’océan. Avec les quelques mécaniciens qui l’entourent, il vit dans des conditions pour le moins rustiques. Les hommes de l’Aéropostale ont pour seuls voisins une petite garnison espagnole et des rebelles Maures qui ont pris la fâcheuse habitude de capturer les pilotes lorsque par malheur un avion s’abîme dans les dunes. Il y a aussi quelques animaux, fennecs, singes, gazelles, que Saint-Exupéry s’amuse à apprivoiser à ses heures perdues…
Pilote de Guerre, les origines
A partir de son expérience la débâcle de 1940, Saint-Exupéry compose son chef-d’œuvre Pilote de guerre lors de son exil new-yorkais. Un travail chaotique pour un succès immense… aux Etats-Unis.
- Flight to Arras
Nous sommes le 31 décembre 1940. Sur le pont du paquebot Sibony qui entre dans le port de New York, Antoine de Saint-Exupéry repense à l’année catastrophique qui s’achève. La France s’est effondrée, envahie en quelques jours par l’armée allemande. Le pays est occupé et divisé, dans tous les sens du terme. Pour comble du malheur, il a appris juste avant d’embarquer sur le Sibony la mort de deux de ses amis les plus chers. Guillaumet et Reine, ses compagnons de cœur des années de l’Aéropostale, ont été abattus en vol.
Pourtant, comme à son habitude, dans l’épreuve, Saint-Exupéry a fait ce qu’il estimait être son devoir. Il voulait combattre à tout prix. Il s’est engagé envers et contre tous dans un groupe de reconnaissance aérienne. Il a rempli les missions les plus périlleuses sous le feu ennemi et vu tomber ses camarades. Replié en Afrique du Nord avec son groupe, il a finalement été démobilisé après l’armistice. Il est rentré en France où il a un peu erré entre Vichy et le sud auprès de quelques proches. Pour le dire simplement, il ne savait pas trop quoi faire.
Saint-Exupéry n’est pas du genre à se laisser abattre comme ça. Il pense qu’il a encore un rôle à jouer. Et ce rôle, c’est d’essayer de convaincre les Américains d’entrer dans la guerre, ce qui changerait à coup sûr les choses. Il faut quand même rappeler que, déjà à cette époque, il est loin d’être un inconnu aux Etats-Unis : c’est même un écrivain célèbre dont les livres se vendent très bien. Le dernier, Terre des hommes, a fait un triomphe sous le titre de Wind, Sand and Stars, au point que l’association des libraires américains en a fait son livre de l’année 1939. D’ailleurs, ses éditeurs new-yorkais, Reynal et Hitchcock l’attendent de pied ferme pour célébrer l’événement. C’est aussi un peu pour ça qu’il a traversé l’Atlantique. Et il a dans ses bagages et dans sa tête l’ébauche de nouveaux récits : l’un d’entre eux relatera son expérience de la guerre. Ce sera Pilote de guerre, Flight to Arras dans l’édition américaine.
Sur l'écran noir de ses nuits blanches...
Aviateur, romancier, Saint-Exupéry fut aussi scénariste de cinéma. Une histoire contrariée avec le 7e art qui lui valut beaucoup de demi-succès et quelques belles rencontres.
- Saint-Exupéry et le cinéma – Extrait
Parmi les multiples vies d’Antoine de Saint-Exupéry, tout le monde connaît les exploits du pilote de l’Aéropostale et les succès de l’écrivain. On sait moins qu’il a entretenu des relations étroites avec l’industrie du cinéma. Et pourtant, tout au long des années 30, il a mis ses talents de conteur au service du 7e art, qui vivait alors un premier âge d’or.
Rien d’étonnant à cela : Saint-Exupéry est une homme de son époque qui aime le cinéma comme spectateur. Depuis sa jeunesse, il fréquente régulièrement les salles obscures. Il a même quelques auteurs fétiches, comme, Charlie Chaplin qui connaît une gloire mondiale depuis les années 20.
Et puis Saint-Exupéry voit dans cet art aussi jeune que l’aviation un moyen moderne d’exprimer sa vision du monde et de déployer son imaginaire.
Plus prosaïquement, on sait qu’il est très souvent à court d’argent. Saint-Exupéry espère trouver dans le cinéma un moyen d’arrondir ses fins de mois et de soutenir son train de vie. Il a même une expression pour ça : c’est ce qu’il appelle « tresser des paniers d’osier ». Dès le début des années 1930, alors qu’il vient de rencontrer un premier succès de romancier avec Courrier Sud, il s’essaie donc à l’écriture de scénarios.
C'est le temps de la mobilisation pour Saint-Exupéry
- Au 2/33 – Extrait
Septembre 1939 : la guerre que tout le monde redoutait depuis des mois finit par éclater. Rentré des Etats-Unis où il faisait la promotion de son dernier livre, Terre des Hommes, Antoine de Saint-Exupéry est mobilisé avec le grade de capitaine. Il retrouve Toulouse et la base aérienne de Francazal, affecté dans une unité de formation de pilotes de bombardiers.
Beaucoup s’en accommoderaient, mais pour lui, la situation confortable de l’arrière est insupportable. « J’ai besoin pour être de participer », dit-il. Saint-Exupéry ne conçoit pas sa vie autrement que dans l’action et, pour l’heure, sur la ligne de front, même si les combats n’ont pas vraiment commencé dans cette période de la « drôle de guerre ».
Le problème est qu’il est le seul à s’imaginer aux commandes d’un avion de guerre. Son entourage fait tout pour le persuader de rester à l’abri : on le préférerait au commissariat à l’information, avec des confrères écrivains comme Jean Giraudoux, ou bien au CNRS.
Il est certain qu’à 39 ans, il est trop vieux pour se soumettre aux conditions éprouvantes du pilotage moderne. Alors qu’il ne rêve que d’avions de chasse, il doit se rendre à l’évidence : il est usé, et les séquelles de son accident de 1938 au Guatemala restent vives. D’ailleurs, la visite médicale qu’il passe en octobre rend un verdict sans appel : il est déclaré inapte au vol.
Vol de Nuit, les origines
- Vol de Nuit – Extrait
En octobre 1929, alors que monde connaît une tempête économique sans précédent, Antoine de Saint-Exupéry ne connaît pas la crise. Fraîchement arrivé à Buenos Aires, il prend les commandes d’Aeroposta Argentina, la filiale argentine de l’Aéropostale. A 29 ans, le voilà promu chef d’exploitation d’un réseau de 15 aérodromes en Amérique du Sud couvrant 3800 km de part et d’autre des Andes, entre le Paraguay, le Brésil, l’Argentine et le Chili. C’est un beau poste, très prestigieux. Son travail consiste à organiser, inspecter, on ne dit pas encore manager, veiller sur les pilotes et le matériel.
Et puis il écrit. Beaucoup. Dès que ses multiples activités lui en laissent le temps. Il s’est attelé à la rédaction d’un nouveau roman. C’est une promesse qu’il a faite à Gaston Gallimard après le succès de son premier livre, Courrier Sud, qui l’a fait connaître comme écrivain en 1929. Cette période argentine est celle de la genèse d’un livre qui marquera son époque : Vol de Nuit.
Saint-Exupéry à tire-d'aile autour du monde
- Le raid Paris – Saïgon
Dans les années 30, Antoine de Saint-Exupéry retrouve le goût des exploits aériens à l’occasion de deux raids mémorables, Paris-Saigon et New York-Punta Arenas. Deux échecs magnifiques qui ont vu le pilote écrivain côtoyer la mort de très près.
En 1935, Antoine de Saint-Exupéry traverse une période compliquée. A 35 ans, il ne fait plus partie du gratin des pilotes, en tout cas sa carrière d’aviateur semble à l’arrêt. Ça ne va pas fort non plus du côté de la littérature où après des débuts prometteurs – il a reçu le prix Femina en 1931 pour Vol de Nuit – il est un peu en panne d’inspiration.
Heureusement pour ses finances, il a décroché un poste à la propagande, c’est comme ça qu’on appelait le service de presse, de la jeune compagnie Air France, pour qui il fait des conférences, articles et films promotionnels. Au printemps 1935, il a aussi rapporté d’URSS une série de reportages publiés dans Paris-Soir, le grand quotidien populaire de l’époque.
- Le raid New-York – Punta Arenas
Si, dans ce paysage un peu déprimé, il y a même une vraie éclaircie. C’est à ce moment qu’il réalise un de ses rêves les plus chers : avoir son propre avion. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’offre un Caudron-Simoun C630, un bolide à 4 places, l’oiseau idéal pour se remonter le moral. Aux commandes de ce petit bijou, il se lance dans une grande tournée d’automne pour Air France, 11000 km autour de la Méditerranée où il retrouve le plaisir du pilotage.
A son retour, il apprend que le ministère de l’Air promet 150 000 F à l’équipage qui parviendra à battre le record que vient d’établir André Japy entre Paris et Saigon. En un peu plus de 3 jours, c’est une sacrée performance ! Il s’agit d’un de ces raids qui se multiplient à l’époque pour ouvrir de nouvelles lignes aériennes et pousser toujours plus loin les limites. Ils sont à chaque fois l’occasion d’exploits mémorables qui passionnent les foules. Pour Saint-Exupéry, l’occasion est trop belle de goûter à nouveau l’adrénaline de l’aventure et de toucher une prime… plus que bienvenue. Il y a quand même un hic : on est déjà début décembre, et le record doit être battu avant le 31 décembre. Il n’y a pas une minute à perdre.
Quelques histoires de nos pionniers
La rencontre entre Guillaumet et St Exupéry, et la grève des pilotes de 1925
- Les atterrissages à la perche – Extrait
Un soir d’automne 1925, Didier Daurat convoque le mécanicien Marcel Moré, 22 ans, dans son bureau et lui annonce qu’il part à Alicante avec Carbonnel, mécanicien également. Les deux jeunes mécanos n’ont pour ainsi dire jamais volé, et c’est Rozès qui doit être leur pilote aux commandes d’une limousine Farman ; un avion avec une cabine fermée pour les passagers, pour plus de confort. Le pilote lui, reste à l’air libre…
- La rencontre entre Guillaumet et Saint-Exupéry – Extrait
Sur la Ligne, il y a eu de très grandes amitiés comme celle entre les deux pilotes Henri Guillaumet et Antoine de Saint-Exupéry. Quand il arrive aux Lignes Aériennes Latécoère, en 1926 (ce n’est pas encore l’Aéropostale à l’époque), Antoine de Saint-Exupéry est différent des autres pilotes. Il est plutôt distingué et d’allure noble, mais il n’a encore rien su faire de sa vie. Il est à l’aise dans la société mondaine mais il est rejeté partout ailleurs…
- La grève des pilotes – Extrait
Le 22 juillet 1925, deux avions pilotés par Henri Rozès et Eloi Ville décollent d’Agadir pour Cap Juby. Après 1h20 de vol, l’avion de Rozès semble en difficulté et descend se poser sur une plage. Ville atterrit à proximité, laisse le moteur tourner, mais une roue s’enfonce dans le sable. Rejoint par Rozès, les deux pilotes parviennent à ramener l’appareil sur une bande de sable consistante et roulent jusqu’à l’avion en panne. Mais l’appareil est déjà entouré par les Maures…
Alicante - Barcelone le 23 novembre 1921 : le voyage de tous les dangers...
- Les passagers scandinaves – extrait
Une seule histoire insolite, mais sur un long format…
Le 23 novembre 1921, le pilote Paul Vachet part d’Alicante pour Barcelone, avec deux passagers scandinaves venant de Casablanca. Les deux passagers se sont donné du courage entre Casablanca et Alicante à grand renfort d’alcool et à Alicante encore ils font une nuit blanche de bars en cafés. Malgré tout, ils sont au rendez-vous à l’aube devant l’hôtel où ils étaient en principe hébergés. Ils prennent un café avec Vachet au seul petit kiosque ouvert, qui accueille au lever du jour les pilotes en partance pour Malaga ou Barcelone puisque les courriers se croisent à Alicante pour passer la nuit. Pour se mettre en train, les deux passagers arrosent copieusement leur café au point de s’endormir dans la vielle Ford de l’aéroplace qui vient les chercher…
Un hommage aux mécanos, un atterrissage risqué, et un couple d'aviateurs... dans le plus simple appareil (!)
- Le travail des mécaniciens – extrait
Les mécaniciens, ou les grands oubliés du succès de l’aviation. « Sans les mécaniciens, il n’y aurait pas eu de ligne. » C’est ce que Didier Daurat, le directeur de l’exploitation, a déclaré un jour à quelques « chiffons gras ». Pour un homme comme lui, qui parlait peu, et encore moins pour faire des compliments c’était certainement le plus grand hommage qu’il pouvait leur rendre…
- Les clôtures électriques – extrait
A Alicante, l’infrastructure portuaire des hydravions est réduite à sa plus simple expression. A tel point que pour entretenir ou réparer les appareils, il faut les tirer au sec sur la plage et cela présente plusieurs inconvénients. Un haut fonctionnaire espagnol va l’apprendre à ses dépens… Une histoire électrisante !
- Le vol du 3 mars 1919 – extrait
Pour son projet de Ligne Aérienne Postale entre Toulouse et Buenos Aires, Pierre-Georges Latécoère organise un vol d’étude jusqu’à Rabat. Il part le 3 mars 1919 avec son ami et conseiller Beppo de Massimi dans deux avions Salmson, pilotés par Henry Lemaître et Paul Junquet. Les compères vont aller de mésaventure en mésaventure…
- Lydie et Paul Vachet nus à Iguape – extrait
En mai 1927, Marcel Bouilloux-Lafont vient de racheter la Ligne qu’il baptise : Compagnie Générale Aéropostale. Il confie au pilote Paul Vachet la mission de déclencher les travaux sur les aérodromes pour de la mise en service du réseau sud-américain. Le pilote s’exécute, comme toujours, accompagné de sa femme, Lydie… Ils ont loin de se douter que c’est complètement nus qu’ils vont rencontrer de hauts fonctionnaires brésiliens…
Le sauvetage périlleux d'un Bréguet, Mermoz en carafe et une escale au Carnaval de Casablanca...
- Sauvetage d’un Breguet par les Vachet – Extrait
En mars 1927, le pilote Paul Vachet, commence l’organisation des escales au Brésil. Lors de la précédente mission de reconnaissance 2 ans plus tôt, 4 Breguet XIV ont été apporté en Amérique du Sud, mais l’un a été détruit à Recife, un autre abandonné à Porto Alegre et les deux derniers ont été démontés sur ordre du gouvernement brésilien. Depuis, tout le personnel a été rappelé en France, et c’est donc en bateau et seul accompagné de sa femme, Lydie Vachet, que le pilote entame sa mission.
- Mermoz en Pylône – Extrait
En 1929, le courrier passe régulièrement sur la Ligne France – Amérique du Sud qui relie Toulouse à Buenos Aires et les retards excèdent rarement quelques heures. Malgré cette régularité remarquable, parfois tout semble aller de travers. Comme cette journée d’été où les courriers FRAME et AMFRA tombent tous les deux en panne.
- Le carnaval de Casablanca – Extrait
Nous sommes en 1926 et c’est le jour du carnaval à Casablanca. Toute la population se presse dans les rues et autour de la grande place où la fête bat son plein. Des chars accompagnés de leurs orchestres défilent dans les rues. Tout le monde est captivé par les festivités quand un grondement détourne l’attention de la foule. Les regards se tournent vers le ciel d’où vient le bourdonnement. Les habitants sont habitués aux avions depuis que la Ligne amène le courrier jusqu’à Casablanca, et ils allaient retourner à la fête quand l’appareil plonge sur la place. C’est comme s’il n’y avait plus de maître à bord ! L’avion est au ras des toits et pique encore plus bas !
- Didier Daurat par Moré – Extrait
En octobre 1920, Didier Daurat est nommé directeur de l’exploitation de la Ligne, Toulouse – Casablanca à l’époque. Avec lui, la période des initiatives personnelles un peu brouillonnes était bel et bien terminée. Malgré sa taille moyenne, il avait en permanence une expression de détermination sur le visage. Cette expression était renforcée par son regard : froid et neutre, qui ne cillait pas, et par lequel on se sentait évalué et impitoyablement jugé.
Des Andes à Dakar, sous la menace de révolutionnaires sud-américains
- Accident de Guillaumet dans les Andes, 13 juin 1930 – Extrait
Ce jeudi 12 juin 1930, comme chaque semaine, Henri Guillaumet décolle de Santiago du Chili pour traverser les Andes avec le courrier pour l’Europe. Ce jour là, le col est bouché par une tempête de neige et le vent souffle à plus de 100 km/h, exceptionnellement, il est forcé de faire demi-tour.
Le lendemain, vendredi 13 juin 1930, il retente de passer.
La voie est encore bouchée, mais Guillaumet est déterminé, il n’a pas le choix : le courrier doit passer. Il décide de voler plus au Sud par la Laguna Diamante, un lac situé dans les hautes Andes.
- Les révolutionnaires de Pelotas – Extrait
En 1930, le monde subit encore les conséquences de la crise de 29 qui a notamment déstabilisé les pays d’Amérique du Sud. Le personnel de l’Aéropostale, en poste sur les escales au Brésil, en Uruguay, en Argentine et au Chili, a la consigne de rester le plus neutre possible par rapport à ces évènements, mais ça n’a pas empêché quelques situations délicates de se produire. C’est le cas au Brésil où l’économie connait une période difficile qui se traduit par des mouvements de révoltes. Le mécanicien Marcel Moré, alors chef d’aéroplace à Pelotas, dans le sud du pays, en a fait l’expérience !
- Les sacs de courrier sur Dakar – Extrait
Courant 1928, grâce aux progrès réalisés dans le vol de nuit les courriers qui partent de Casablanca à l’aube peuvent atteindre Saint-Louis-du-Sénégal entre minuit et deux heures du matin. Avec un temps d’escale d’au maximum dix minutes, l’efficacité sur la Ligne Casablanca – Dakar est sans faille, ou presque… parce que tout ce gain de temps était perdu entre Saint-Louis et Dakar.
Les début de Mermoz dans l'Aéropostale, une étrange séductrice, des pigeons et une vache !
- Le recrutement de Jean Mermoz – Extrait
En octobre 1924, à Paris, Jean Mermoz reçoit enfin sa convocation pour entrer comme pilote sur les Lignes Latécoère à Toulouse. Il est sans emploi et doit demander 20 F à sa mère pour prendre le train et se rendre à l’entretien.A Toulouse, il rencontre de M. Daurat, directeur de l’exploitation. Réputé pour sa sévérité, il reçoit la jeune recrue, car Mermoz n’a pas encore 23 ans, et examine son carnet de vol. Et alors il lui dit tout net : « Vous n’avez rien fait ».Mermoz se fige sur place : il a quand même 600 h de vol et des citations militaires. Mais rien de tout ça n’impressionne le directeur. Comme tous les autres, il doit commencer par un stage aux ateliers…
- La dame aux bottes rouges – Extrait
Sur la Ligne, il y avait déjà assez peu de passagers, mais des femmes, c’étaient encore plus rare. Et pourtant, une passagère un peu particulière a commencé à fréquenter assidument la Ligne Toulouse-Casablanca pour affaires.
Autant dire que les équipages étaient toujours ravis de la voir arriver sur le terrain, d’autant qu’elle avait une tenue vestimentaire assez voyante et facilement reconnaissable puisqu’elle portait toujours de grandes bottes rouges, si bien qu’elle avait rapidement hérité du surnom de « l’amazone aux bottes rouges ». Les rumeurs les plus folles circulaient sur ses activités et on disait même qu’elle était dompteuse…
- Les pigeons voyageurs de Vachet – Extrait
En mars 1924 a lieu l’inauguration de la Ligne Alicante-Oran par hydravion. C’était une ligne difficile parce qu’il fallait environ 3h pour parcourir 310 km exclusivement au dessus de la mer.
Et, il était souvent impossible d’établir une liaison radio pendant le vol, c’était un véritable tour de force de réussir à capter un signal radio quelconque depuis un avion. Mais la communication était essentielle pour l’exploitation régulière d’une ligne comme celle-ci.
On savait que tout s’était bien passé quand l’avion arrivait à l’escale suivante. Mais pour un hydravion, c’est différent parce que, même si il peut amerrir « partout », en vérité ce n’est pas un bateau, les appareils tiennent mal la mer…
- La vache brésilienne – Extrait
Pour préparer les vols de nuit en Amérique du Sud, le directeur de l’exploitation sur le secteur, Julien Pranville, a organisé fin 1928 une tournée d’inspection des infrastructures. Il a choisit le pilote Pivot et son mécanicien Moré pour l’accompagner dans cette mission. Le vol de passe bien, quand, entre Caravellas et Bahia, dans le Nord du Brésil, l’avion se met tout à coup à faire un bruit inhabituel et à vibrer de tous ses membres !
Pivot est un pilote chevronné, il réagit en quelques secondes et repère une plage pour se poser. L’endroit est charmant mais un peu exigu.
L’équipage se prépare à l’atterrissage de fortune, les roues touchent le sol mais presque aussitôt, il y a une énorme secousse et l’avion rebondit ! …