Antoine de Saint Exupéry raconté

Saint-Exupéry et Mermoz : à la vie, à la mort

Saint-Exupéry et Mermoz

« Si je cherche dans mes souvenirs ceux qui m’ont laissé un goût durable, si je fais le bilan des heures qui ont compté, à coup sûr je retrouve celles que nulle fortune ne m’eût procurées. On n’achète pas l’amitié d’un Mermoz, d’un compagnon que les épreuves vécues ensemble ont lié à nous pour toujours. » En quelques phrases, au début de “Terre des Hommes”, Saint-Exupéry témoigne ainsi de la relation qui l’unissait à Jean Mermoz. C’est dans le chapitre sur « les camarades », où il rend également un vibrant hommage à Henri GuillaumetSaint-Exupéry et Mermoz, voilà encore une belle histoire de fraternité d’armes. Elle est peut-être moins viscérale que celle qui lie Saint-Exupéry et Guillaumet, mais Mermoz est sans conteste un des compagnons les plus chers de Saint-Exupéry, et il le restera jusqu’à sa disparition. Par-delà leurs différences, et même parfois leurs divergences, les deux hommes feront preuve l’un envers l’autre d’une fidélité à toute épreuve.

Saint-Ex et Mermoz, ce sont pour la postérité les deux figures les plus populaires de l’Aéropostale. L’un en est le poète rêveur et sensible qui relate les exploits homériques de ces chevaliers du XXe siècle. L’autre est ce héros céleste à la beauté légendaire, « l’archange » passionné qui avait « défriché les sables, la montagne, la nuit et la mer », comme s’en souvient Saint-Exupéry dans “Terre des Hommes”. Pourtant, d’après Joseph Kessel qui était très proche des deux aviateurs, l’un comme l’autre ne se voyaient que comme des éléments parmi d’autres de cette aventure collective, et ils étaient mal à l’aise avec leur mise en avant individuelle.

Les premières années aux lignes Latécoère puis à l’Aéropostale, ils n’étaient jamais affectés au même endroit. Mermoz intègre l’entreprise en 1924, et se voit assez vite confier des portions lointaines de la ligne. Quand Saint-Exupéry est embauché à Toulouse, fin 1926, Mermoz assure la liaison entre Casablanca et Dakar. Un an plus tard, quand Saint-Exupéry est nommé à Cap-Juby, Mermoz devient chef pilote en Argentine avec la mission d’explorer les lignes sud-américaines. Dans ces années, leurs chemins se croisent au hasard des escales, à Casablanca, à Port-Etienne, à Cap-Juby, et ils apprennent à se connaître avec les autres aviateurs dans ces soirées de relâche entre deux vols où se forge la fraternité des aviateurs…