Antoine de Saint Exupéry raconté

Guillaumet, plus qu'un ami : un frère pour Saint-Exupéry

L’ami Guillaumet – Extrait

« Pour mon frère adoptif et pour sa femme en souvenir d’un vieil ami qui a toujours un peu considéré leur maison comme la sienne. » En 1931, c’est avec ces mots pleins d’affection que Saint-Exupéry dédicace son roman “Vol de Nuit” à ses amis les plus chers, Henri et Noëlle Guillaumet. Et il ajoute : « En attendant le livre prochain qui s’appellera Guillaumet, ce petit livre. » On peut difficilement faire une déclaration d’amitié plus forte. Plus qu’avec tous les autres pilotes de l’Aéropostale, Saint-Exupéry a entretenu avec Guillaumet une relation fraternelle, intense, qui ne s’est jamais démentie.

Il faut dire qu’ils en ont vécu des choses ensemble ! Ils se sont rencontrés cinq ans plus tôt, fin 1926, quand Saint-Exupéry a été recruté par les Lignes Latécoère. En arrivant à Toulouse, Saint-Exupéry a rencontré son destin, entre l’aérodrome de Montaudran et l’Hôtel du Grand Balcon où logeaient les pilotes. Il a surtout rencontré des hommes auxquels il ne cessera de rendre hommage dans ses écrits. Parmi eux, Guillaumet, plus jeune que lui de 2 ans, mais qui fait déjà figure de vétéran. A cette époque des pionniers, quelques mois d’ancienneté suffisent à vous poser un homme !

Saint-Ex et Guillaumet sont issus de mondes aux antipodes, grande famille aristocratique pour l’un, famille de paysans de Champagne pour l’autre. Ils ont en commun une attirance précoce pour l’avion qui les a amenés à faire leur baptême de l’air à 12 et 14 ans, ce qui au tout début du XXe siècle n’est quand même pas courant. Ils sympathisent très vite, et parviennent à se comprendre sans même avoir à se parler.

Guillaumet, c’est le calme, la confiance et l’humilité. D’emblée, Saint-Exupéry lui voue une réelle admiration. C’est aussi le mentor, qui lui transmet sa science de la Ligne. Saint-Exupéry le raconte dans les premières pages de “Terre des Hommes” : la veille de son premier vol en tant que pilote, à l’Hôtel du Grand Balcon, il revoit une dernière fois avec son nouvel ami l’itinéraire vers Alicante. Un verre de porto à la main, les cartes déployées sur la table, Guillaumet lui enseigne les subtilités du vol au-dessus de l’Espagne. En fait de géographie, il lui apprend à se méfier de dangers invisibles comme ces trois orangers ou ce mince ruisseau qui l’empêcheraient de se poser. Au contraire, il lui fait porter sur la carte l’emplacement d’une ferme où il pourrait trouver du secours, et ajoute : « Celui qui ne connaît pas la ligne, caillou par caillou, s’il rencontre une tempête de neige, je le plains… Ah ! oui ! je le plains… ». Le lendemain, c’est accompagné par Guillaumet que Saint-Exupéry fait son premier voyage pour la Ligne…